Aujourd’hui, on se lève tôt : on a prévu d’aller visiter les pyramides du Teotihuacan. Mais on a surtout prévu de s’envoyer un petit déjeuner avant le départ. Pas besoin de faire plus de 100 mètres dans la fraîcheur matinale pour trouver un petit spot prometteur, le Chiquitito Café. Chai latte et avocado toast au soleil dans une petite rue calme en regardant les chiens défiler avec leur maître. Apparemment à Mexico, c’est la norme d’avoir non pas un, mais plusieurs chiens, d’où la densité canine de la ville.
On se rend ensuite au terminal de bus situé au Nord de la ville. Le truc est un véritable mini aéroport avec des restos foireux dans tous les sens et des dizaines de comptoirs de compagnie. Evidemment, notre comptoir est littéralement le dernier du terminal. 15 minutes plus tard, billets en poche sur le quai d’embarquement, notre car débarque de nulle part et se range en épi devant nous en un coup de volant. Le pilote nous accueille ; on s’installe évidemment au premier rang disponible. Le car est old school mais confortable, et a le bon goût de ne pas avoir la clim.
On met un peu de temps à sortir de la ville. Je suis assez vite surpris de la densité urbaine de Mexico City, dont j’imaginais la banlieue un peu plus luxuriante. Les vallées alentours sont recouvertes d’agglomérations aux bâtisses colorées. Apparemment, les banlieues pauvres ont conclu des partenariats avec des marques de peinture pour les rendre plus attrayantes. Mais les couleurs pastel cachent en réalité une tendance à l’autoconstruction sauvage et précaire ; une grande majorité de ces habitations n’ont qu’un accès très limité à l’eau courante et à l’électricité. Cinque Terre de loin, mais favelas de près.
La cumbia qu’écoute le chauffeur à donf depuis le départ s’estompe soudainement pour laisser place à un mariachi solo qui a dû embarquer discrétos avec les passagers. Il chante un peu faux mais a une belle voix. Pas désagréable, et ça change des saxophonistes roumains du RER C. Il descend peu après après avoir collecté son dû, et nous arrivons à destination peu de temps après. Le temps de trouver notre chemin à l’entrée du site, on se retrouve rapidement en plein cagnard dans une zone quasi désertique. J’ai heureusement acheté un bob - trop petit - la veille.
Les pyramides se situent de part et d’autre de la Calzada de Los Muertos, l’avenue des Morts, longue de 2 ou 3 kilomètres, dont nous entamons la traversée. Ça commence soft avec des constructions modestes de quelques marches au début du trajet. Des marchands se trouvent tout le long de l’avenue, en manches longues pour tenir sous le soleil toute la journée. La came vendue inclut toutes sortes de pierres, quartz, bibelots petits et grands, bijoux et surtout - flûtes et appeaux en tous genres. Le plus emblématique est une sorte de mug en forme de tête de jaguar ; il suffit de souffler dedans en agitant la main devant sa gueule pour en sortir un son très proche d’un rugissement de félin vraiment dangereux. Partout sur le site, ils retentissent toutes les deux minutes de tous côtés, attirant le chaland avec succès.

Sur le parking

Au début de l'avenue des Morts

L'avenue des Morts et la pyramide de la Lune

Un petit temple sur la Ciudadela

la Pyramide du Soleil depuis la Ciudadela
Notre objectif de la journée est d’accomplir l’ascension de la Piramide del Sol - qui se passe de traduction - la 3e plus grande pyramide au monde, située au milieu de l’avenue des Morts. Nos ambitions sont rapidement challengées par la faim et la chaleur, aussi décidons-nous de sortir temporairement du site pour se restaurer. La plupart des restaurants recommandés par San Google sont fermés, probablement car nous sommes au lendemain de la semaine sainte pendant laquelle beaucoup de commerces ferment. Il nous faut donc marcher encore un peu pour nous arrêter dans un restaurant ouvert - qui ne comporte aucune review. On tente le coup, malgré une carte qui ne s’annonce pas vraiment veggie-friendly (on y trouve d’ailleurs pas mal de criquets sous plusieurs formes).
On parvient à commander du nopal garni au fromage et aux légumes, des enchiladas, et un pot de guacamole aussi gros que ma tête. Nous sommes les seuls clients. A peine assis, la sono de la terrasse s’arrête pour laisser place à un mariachi d’aspect vraiment miteux. Une sorte de jeune rockeur raté qui chante pour le coup horriblement faux avec une guitare désaccordée. Malgré toute ma meilleure volonté, je n’ai pas plus de 3 pesos en pièces à lui offrir (environ 15 centimes). Je tente de me confondre en excuses ne sachant s’il voudra de mes pièces, que je lui tends malgré tout. Lui non plus ne semble pas savoir que faire, tire la gueule, les prend et disparaît. La musique reprend.


On repart repus vers notre objectif. La chose est massive et impressionnante de loin, le détail des pierres agencées magnifique de près. J’apprends halluciné que les Aztèques n’ont pas construit ces pyramides, mais les ont simplement découvertes telles quelles, en leur attribuant les symboles qu’on leur connaît aujourd’hui. Rien ne subsiste de la civilisation à leur origine, dont on ignore presque tout.
Une fois au pied de la pyramide, on réalise avec tristesse - et non sans un certain soulagement - que l’accès au sommet est fermé au public depuis la pandémie. Dommage. On prend ensuite un chemin un peu sauvage pour atteindre la Piramida de la Luna qui se trouve au bout de l’avenue des Morts. Moins haute que sa voisine, elle est encore plus belle, et la construction plus subtile que l’autre. Quelques selfies plus tard, nous succombons à l’envie d’un appeau à jaguar puis entamons notre retraite le long de l’avenue.

Détail de la base des pyramides

Les marchands au pied des pyramides

La Pyramide de la Lune

Toujours plein de chiens, même ici

Un chien garde les souvenirs

Direction le car du retour
On arrive à la sortie du site pile au moment où notre navette décampe. 45 minutes nous séparent de la suivante, on s’installe donc au milieu d’un rond-point, en compagnie de Logan, un archéologue du Kentucky en galère pour rentrer à Mexico. On est vite rejoints par une petite dizaine de personnes dans la même situation. La pluie commence à tomber, et le doute à s’installer : est-ce que ce foutu bus va vraiment venir ? Il finit par arriver, à l’heure dite, étrangement blindé. On déplace des gens pour s’asseoir côte à côte, je m’affale et m’endors illico.
Le soir venu, on prétexte la fatigue pour manger des ramens en face de notre Airbnb, situé en plein quartier japonais. Le Rokaï est apparemment une institution à Mexico ; non sans raison.